Contre la guerre mondiale anti-drogues voulue par Trump, la résistance se construit

Donald Trump s'apprête à s'exprimer devant l'Assemblée générale des Nations Unies (Source: UN Photo/Eskinder Debebe)
L'administration du Président américain Trump est récemment parvenu à convaincre de nombreux pays d'assumer un document controversé relatif aux politiques liées aux drogues, non sans rencontrer une contestation grandissante venant de la société civile.
Le 24 septembre, le Président américain menait une réunion sur les politiques liées aux drogues devant l'Assemblée générale des Nations Unies. Tous les pays désireux d'y participer ont dû signer le Global Call to Action on the World Drug Problem (« Appel international à l'action quand au problème mondial de la drogue ») (PDF), document élaboré par les américains. Par leur signature, les pays s'engagent à développer leurs propres stratégies nationales de réponse à différentes problématiques liées aux drogues, à « endiguer la distribution de drogues illicites en mettant un terme à la production », et à empêcher « l'exploitation » des stupéfiants.
Ce document et cette réunion sont destinés à assurer que le monde persévère dans la guerre anti-drogues, et ce malgré les échec répétés de cette approche et les conséquences dramatiques qu'elle fait peser sur les droits de l'homme et la sécurité des États.
La Commission mondiale pour la politique des drogues, qui rassemble des décideurs issus de la politique, de l'industrie et de la culture – dont plusieurs anciens chefs d'état – a publié une déclaration publique dénonçant les plans de l'administration Trump :
« [Le document de l'administration Trump] marque la prolongation de politiques inefficaces, coûteuses et dangereuses. De ces mesures découlent des lois punitives, la militarisation, l'incarcération de masse, des traitements non-consentis, et des familles et communautés brisées. Pire encore, elles sont une atteinte à la dignité humaine, et responsables de la perte de nombreuses vies.
Depuis plus de 50 ans, les tentatives d'éradiquer le commerce des drogues par des mesures basées sur la prohibition et la répression des usagers se sont montrées coûteuses et contre-productives. Le gouvernement américain, qui a expérimenté puis abandonné la prohibition de l'alcool, et qui fait face aujourd'hui à une crise des opioïdes sans précèdent, devrait comprendre cela mieux que quiconque – en particulier à un moment de l'histoire où de nombreux états se détournent de la prohibition [du cannabis] pour prendre la voie de la régulation.
Le Global Call to Action est une tentative d'imposer un consensus qui n'existe plus, et ce y compris pour plusieurs des signataires. »
Certains des signataires semblent avoir en effet signés le document contre leur gré, par peur d'avoir à subir des conséquences en cas de refus explicite. Comme le décrit le magazine The Transnational,
« Un nombre significatif de gouvernements ayant mis en place des politiques progressistes autour des drogues ont semble-t-il décidé de signer « l'appel » américain – pas parce qu’ils en valident le contenu, mais par volonté de ne pas rentrer dans un antagonisme avec Trump, dont les manières vindicatives et l'impulsivité sont désormais connues du monde entier.
Pour certains pays, la menace n'est même pas implicite. Dans le cadre du « processus de certification » annuel des États-Unis autour de la coopération dans la lutte anti-drogues, Trump a exhorté le Mexique, la Colombie et l'Afghanistan de « redoubler d'efforts » pour « stopper et renverser la production et le trafic de stupéfiants », sous peine d'être sanctionnés par les États-Unis. »
La Nouvelle-Zélande, menée par la Première ministre Jacinda Ardern (politiquement orientée à gauche), compte parmi les quelques pays ayant refusé de signer le document. Ardern a notamment déclaré qu'elle préférait une « approche de santé publique » plutôt que des mesures anti-drogues, à quoi elle ajoute: « nous voulons mettre en œuvre ce qui marche, et nous nous basons sur une base solide de preuves pour cela. […] Nous n'avons pas l'intention de [signer], et plusieurs autres pays n'en ont pas l'intention non plus. »
Le gouvernement norvégien a également refusé d'apporter son soutien. Ine Eriksen Søreide, Ministre des Affaires Étrangères, a déclaré : « conjointement avec les autorités responsables des politiques liées aux drogues en Norvège, nous sommes arrivés à la conclusion que l'attention portée à la dimension de santé publique du problème était insuffisante. » Dernièrement, la Norvège a donné à sa politique pour les drogues un élan progressiste ; comme l'avait rapporté TalkingDrugs, le gouvernement a annoncé qu'elle allait devenir le septième pays européen à légaliser les traitements supervisés à l'héroïne.
La réunion du 24 septembre aux Nations Unies coïncide de façon assez ironique avec la publication du nouveau rapport de la Commission mondiale pour la politique des drogues : « Regulation: The Responsible Control of Drugs » (« Régulation : le contrôle responsable des drogues »), qui appelle les gouvernements à mettre en place la régulation responsable des produits stupéfiants, afin d'affaiblir les organisations criminelles et de reprendre la main sur les marchés illégaux.