Légaliser la Cocaïne pour Sauver l’Amazonie

La forêt amazonienne, qui s’étend au cœur de l’Amérique du Sud, requiert un changement radical pour assurer sa survie. Source: qualtaghvisuals
Il y a 45 ans, les ministres des Affaires étrangères de huit pays riverains de la forêt amazonienne signaient un traité de coopération amazonienne. Ce pacte visait à améliorer la qualité de vie de la population locale tout en protégeant les ressources naturelles et en réglementant leur utilisation. Près d'un demi-siècle plus tard, la région amazonienne reste une scène centrale d'exploitation écologique et de violence politique. Pendant ce temps, la prohibition de la cocaïne continue d’alimenter les épisodes de violence dans la région, finançant les actions des entreprises criminelles.
Cette violence liée au trafic de drogues est particulièrement présente dans la vallée de Javari, qui représente la deuxième route en termes de trafic de drogues au Brésil, principalement utilisée pour le transport de cocaïne provenant du Pérou et de la Colombie en direction du Brésil et d'autres marchés transatlantiques. L’emprise sur cette région par des syndicats du crime organisés, comme par exemple la Famille du Nord, le Commandement rouge et le Premier Commandement de la Capitale (organisations provenant respectivement des États du Nord, de Rio de Janeiro et de São Paulo), contribue également à d’autres activités illégales telles que la déforestation, l'exploitation minière, ainsi que la pêche et l'exploitation forestière.
Certains craignent que le Brésil ne perde le contrôle de l'Amazonie au profit de groupes criminels organisés, mais je crois qu'ils sont beaucoup trop optimistes de penser que la région est sous contrôle – quel qu’il soit. Tout comme les autres pays amazoniens, la forêt tropicale brésilienne n'est pas gouvernée par des forces étatiques. Lorsqu'il n'est pas possible de lutter contre les syndicats criminels, les agents de la sécurité publique finissent par les rejoindre. Une série de questions subsistent cependant, même si elles sont rhétoriques: est-il vraiment impossible de lutter contre le crime organisé ? Est-ce que l'ancienne stratégie, qui consiste à déployer des forces policières et militaires de plus en plus armées dans la région, aboutira à un résultat différent ? Existe-t-il une autre stratégie que les pays amazoniens pourraient mettre en œuvre pour changer ce scénario ? En ce qui concerne les deux premières questions, la réponse est non. Cependant, concernant la troisième question, il est possible qu’une réponse existe ; il devrait être du devoir des décideurs d’envisager toutes possibilités pour faire face à la perte potentiellement cataclysmique de la forêt tropicale latino-américaine.
Le salut de l'Amazonie pourrait résider dans la légalisation et la réglementation de la production et de la vente de cocaïne.
S'il y a eu un moment où les pays amazoniens ont eu le pouvoir de diriger un programme mondial de légalisation de la cocaïne, c'est bien maintenant. Nous avons atteint le stade où même les Nations Unies ont reconnu qu'il n'est pas possible de construire une société où la drogue est complètement absente, préférant plutôt se concentrer sur la réduction de l'offre et approuvant un accès plus large aux services de prévention et réduction des risques. Nous avons vu au travers des années des publications mondiales comme celle dans « The Economist », plaidant ouvertement pour la légalisation de la cocaïne, une continuation rationnelle de son soutien en 2013 à la légalisation du cannabis. Nous vivons dans un monde où Gustavo Petro, le président du pays qui produit le plus de cocaïne au monde, est prêt à considérer sa légalisation, reconnaissant la futilité historique de l'approche prohibitionniste, qui n'a fait qu'exporter les méfaits de la drogue observés dans les pays riches du Nord vers des conflits violents en Amazonie et au-delà. Au lendemain de l'investiture du président brésilien Lula pour son troisième mandat, le président colombien Gustavo Petro a publié une photo d'eux sur son compte Twitter, demandant un pacte entre les deux pays pour sauver l'Amazonie, mais aussi appelant à transformer les politiques des deux pays en matière de drogue.
Quelques heures plus tard, Lula a publié la même photo sur sa page Twitter, mentionnant la nécessité de sauver l’Amazonie, mais omettant de mentionner tout engagement en faveur d'une réforme de la politique en matière de drogue.
Si les deux dirigeants entament un dialogue transamazonien sur la réglementation environnementale, y compris la réforme de la politique en matière de drogue dans le cadre de ces discussions, ils seront idéalement placés pour transformer l'avenir des marchés latino-américains et de la cocaïne mondialement. C'est le moment pour les dirigeants du Sud mondial d'établir leur autorité sur un problème qui a déchiré le tissu social de la région pendant des décennies – un problème qui a été encouragé par les puissances du Nord mondial en injectant de l'argent, des armes et des produits chimiques dans les pays producteurs de coca. C'est l'occasion de faire avancer la cause de la réforme de la drogue et de soutenir les pays amazoniens en perte de vitesse en raison de crises politiques internes, comme au Pérou.
Alors que Petro a intégré la réforme de la politique en matière de drogue dans ses discours sur la sauvegarde de la forêt amazonienne, Lula n'a pas rendu ce lien aussi clair qu'il pourrait l'être. Alors qu'il avait initialement manifesté son soutien à la cause lors de son élection, ces promesses demandent maintenant à être consolidées par des actions, permettant au Brésil de franchir des étapes historiques et entraîner avec lui toutes les autres nations amazoniennes qui bénéficieront d'une transformation radicale du contrôle des drogues dans la région.
Le Brésil a le devoir légal et moral de mettre fin à la déforestation et à la violence en Amazonie. Cet objectif ne sera pas atteint sans la fin de la prohibition des drogues. La cocaïne n'est pas à blâmer pour la déforestation de l'Amazonie, comme certains l'ont affirmé ; ni en Colombie, ni au Brésil, ni dans les autres pays amazoniens. Mais la prohibition et son partenaire dans le crime, c’est-à-dire la guerre contre la drogue, le sont certainement.